Episode #23: De l’Obésité et de la Force
Bon, ben une fois n’est pas coutume, l’épisode #23 ne sera pas en vidéo mais écrit. Pour moi c’est un épisode quand même parce qu’il traitera d’un sujet fondamental lié au bypass. Mais j’étais vraiment pressé de le sortir, et là où je suis, je n’ai pas une connexion internet suffisante pour pouvoir mettre en ligne un épisode vidéo.
Alors de quoi ça s’agit, me direz-vous? Et bien c’est un sujet dont nous avons discuté la semaine dernière avec ma bypassée de chère et tendre, qui me parlait de la notion de force liée à l’obésité. Et c’est vrai que j’ai souvent entendu des obèses parler de leur corps comme d’une carapace de force. Moi-même j’ai eu cette même expérience. Mais en y réfléchissant, on y a vu deux aspects, comme dans toute force: la défensive et l’offensive.
La défensive, c’est l’inertie, le poids qui fait que quelque soit ce que la vie nous envoie, ça ne nous fera pas bouger d’un iota. On est là, et on y reste, comme le rocher, pas très libre, mais imperturbable.
L’offensive, c’est le bouclier, celui de la formation en tortue. On met le bouclier, et on fonce dans le tas. Tant pis pour ce qui se présente sur notre route, il n’avait qu’à pas se trouver là. Et si ça en met certains en colère, retour à la stratégie du rocher (ou du hérisson mais alors très très lourd le bestiau), et essayez donc de me déloger. Vous vous épuiserez tout seul, et quand vous serez morts, je pourrai recommencer à avancer.
Dans bien des cas, je ne serais même pas étonné que les cycles de perte et de reprise de poids que connaissent tous les obèses ne correspondent étrangement à ces alternances d’utilisation de la force. Mais dans tous les cas, c’est de force physique dont il s’agit. Pure et simple.
Pourquoi que de la force physique me direz-vous? Il existe d’autres forces, pourquoi ne les utilise-t-on pas? Parce qu’on en manque? Non! Parce qu’elles sont incompatibles avec la première. Un chevalier en armure doit forcément être athlétique pour porter tout ce métal, mais c’est ce même métal qui l’empèche d’être agile et rapide. Pour nous c’est pareil, cette armure qu’on s’est mis, on finit par la subir, en subir les limites.
Et puis le bypass arrive et change toute la donne. En un an de temps, il nous enlève toute notre force physique, ou du moins telle qu’on la percevait. Plus d’inertie, plus de bouclier. On se sent fragile, frêle, et si on n’a pas bien compris avant à quoi nous servait notre obésité, on n’a pas eu le temps de trouver des substituts. Parce qu’il n’est pas question d’accepter de se retrouver faible et sans défense. Il n’est pas question de renoncer à toute force. Il faut les chercher ailleurs, parfois les puiser au plus profond de soi-même, et puis apprendre à s’en servir, avant que les attaques ne reprennent. Ce qui arrive parfois vite, parce qu’on s’est souvent installé dans une vie très violente avec nous-mêmes, très agressive. On s’en foutait, on avait notre carapace.
Alors oui, il y a ça aussi. Qui dit changement de force, dit bien souvent changement de vie pour un environnement un peu plus doux, qui fasse appel à nos nouvelles forces. Et ce changement de vie ne peut pas se faire sans résistance et surtout sans douleur. C’est un problème d’oeuf et de poule. On a besoin de notre carapace pour s’en extirper.
Mais alors c’est quoi l’alternative? En réfléchissant à mon propre parcours, déjà, j’ai été heureux de constater que j’avais déjà bien analysé tout ça avant l’opération. J’avais donc pris un peu d’avance. Et aujourd’hui, ce qui m’éclate, c’est de constater que je n’utilise quasiment plus le rocher et le bouclier. Ma nouvelle solution de préférence, c’est la mobilité. Avant, pour éviter de sentir les coups, je les faisais encaisser à mon corps. Maintenant, je les évite, façon Keanu Reeves dans Matrix (oui je sais, les références…). Et pour avancer, avant, je fonçais dans le tas, mais maintenant je n’ai plus mon corps pour me gêner la vue, je vois mieux les opportunités, et je saute dessus plus facilement. J’ai perdu en force brute, mais j’ai gagné en agilité.
Alors ça ce sont mes substituts, ce ne seront pas forcément ceux de tout le monde, et ça pourra prendre du temps pour les trouver, pour les accepter, et pour apprendre à s’en servir. Mais une fois que vous aurez maitrisé ces nouvelles armes, et la nouvelle vie qui va avec, alors vous pourrez dire que vous êtes passé de l’autre côté. Mais il se peut qu’avant ça, vous vous retrouviez seul et nu au milieu d’une scène de théâtre avec l’impression que tout le monde vous regarde. Le cauchemar paralysant quoi.
Comme quoi encore une fois, l’obésité ce n’est pas qu’une question de manger moins et de bouger plus, ce n’est pas qu’un problème de volonté ou de diététique. Et l’opération n’est pas qu’une question de bistouri et de changements hormonaux. C’est un parcours spirituel, presqu’initiatique, pour reprendre possession de son corps et de sa vie. C’est une véritable mutation, une métamorphose au sens le plus biologique du terme. Mais ne vous laissez pas dire pour autant que vous devenez quelqu’un d’autre. Au contraire, vous devenez celui ou celle que vous deviez être depuis le départ, c’est juste que ça vous a pris un peu plus de temps…
8 commentaires